Le hameau agricole de Pomiès dont l’étymologie pourrait provenir du latin pomum qui signifie fruit, possède un très ancien oratoire. En effet, la chapelle St Pierre présente des traces anciennes de bâti, certainement les plus vieilles de la commune. Le style préroman de cet oratoire avec un chevet plat, un assemblage chœur nef dit en boîte d’allumettes, et l’établissement d’un arc triomphal en retrait des murs, l’absence primitive de fenêtres sont les principes architecturaux de cette période préromane antérieure au Xe siècle. Mais rien ne permet de dater précisément sa construction. Successivement prieuré, église et chapelle, l’édifice aurait selon une tenace et pieuse croyance possédé un reliquaire de pierre cubique qui renfermerait une notable partie du crâne de St PIERRE apôtre et premier Pape de la chrétienté. Cette relique dont la lame de plomb porte l’écriture « Reliquioe sancti Pauli, op. » est conservée à l’archevêché de Rodez. Au XVIIe siècle la chapelle est en très mauvais état. Elle le restera jusqu’au XIXe siècle, où, sous l’impulsion d’Antoine RIGAL, le lieu est remis en état.
Depuis les habitants de Pomiès, en lien avec la municipalité entretiennent avec soin ce joyau, témoin du passé de leurs ancêtres.
2016 : Réfection de la toiture
Cet édifice dont l’existence est attestée dès le XIème siècle par une charte conservée au cartulaire de Conques avait grandement besoin d’une réfection de toiture.
Retenue après appel d’offres par la municipalité, l’entreprise de Georges et Nicolas Servières spécialisée dans la restauration de vieilles bâtisses a procédé à cette magnifique renaissance. Père et fils ont pris leur temps pour faire la réfection complète de la toiture et du clocher dans le respect de l’esprit des lieux. Cet esprit des lieux du site a conduit Nicolas à une belle initiative : il a réalisé une admirable croix pour couronner le clocher en remplacement de l’ancienne âgée de plus de 200 ans. Le résultat est magnifique. Aux dires des habitants, c’est un travail remarquable qui a été effectué. Comme le souligne avec sagesse et humour un ancien du village « c’est reparti pour 150 à 200 ans. Je ne pourrai pas voir la prochaine toiture !!! ».
Dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine, à laquelle la municipalité est attachée, cette opération a pu être menée à bien grâce aux aides de l’Etat et du département.
L’association paroissiale va prendre le relais pour rafraîchir l’intérieur de l’église et ainsi compléter cette réhabilitation d’un bâtiment emblématique de la commune.
INTERVENTION HISTORIQUE du 1er Juillet 2018
Cette chapelle de style préroman est fort ancienne. Déjà citée dans le cartulaire de l’abbaye de Conques de 1031-1062, elle pourrait remonter aux 8ème ou 9ème siècles. En effet dans ce cartulaire une charte mentionne que Hugo, prêtre, fait don je cite « hoc est ecclesia de Pomario » soit « là où est l’église de Pomiès », au Saint-Sauveur et à Sainte-Foy de Conques, en l’occurrence à l’abbé Odolric, constructeur de l’actuelle abbatiale. Qualifiée d’église, l’èglise de Pomiès qui fut aussi prieuré dépendant de Conques, fut attribué avec ses bénéfices aux moines de Conques.
L’origine ancienne de ce lieu de culte est corroborée par le récit des travaux d’agrandissement entrepris en 1868 par les habitants de Pomiès. Lors de la démolition de l’autel primitif, de cette chapelle immémoriale, il fut trouvé un bloc de pierre de forme carrée qui contenait deux boites en bois peint. L’une contenait une plaque de plomb illisible, l’autre des ossements avec une inscription « Reliquae Santi Ponteani ». Saint Pontien, Pape et martyr en l’an 231. Il fut décapité, par ordre de l’empereur Maximien, en l’an 235. Ces plaques et reliques déclarées authentiques par Monseigneur Delalle en 1869, avaient été refermées dans ces deux boîtes vers le 8ème ou 9ème siècle, époque à laquelle fut bâtie la chapelle primitive.
La visite pastorale de Monseigneur Bernardin de Corneillan, évêque de Rodez, du 17 août 1635 est intéressante à plus d’un titre. Elle mentionne la présence d’une pierre sacrée sur l’autel, peut-être la même. En ce qui concerne l’état du bâtiment, je cite : « La dite chapelle n’est qu’à demi voûtée, le couvert ayant besoin de réparations, les murailles d’être blanchies et les verrières d’être vitrées. Toute la dite chapelle est planchée sauf la tribune. Le planché de laquelle est pourri par le mauvais temps. La porte de la dite chapelle ne se ferme pas à clef ». Je continue de citer « les jours qu’il faut dire messe on y apporte les ornements nécessaires de l’église matrice St Sulpice, les jours de fête de St Pierre, de toute l’année et des accouchailles des femmes dudit Pomiès ». Par contre il n’y a pas de cimetière. Je cite à nouveau : « Les corps sont amenés à Saint-Sulpice où est le cimetière et sépulture de toute ladite paroisse ». Pomiès était l’annexe de Saint-Sulpice, l’église matrice.
En ce qui concerne la supposée relique d’une notable partie du crâne de Saint-Pierre retrouvée sous l’autel primitif, je n’ai rien découvert dans les comptes rendus des visites pastorales qui corroborent cette légende à défaut d’affirmation. J’ai contacté par mail Mr le conservateur des reliques à l’évêché pour savoir s’il y était conservé une relique ou une inscription en rapport avec Pomiès et Saint-Pierre : aucune réponse.
Par contre lors de la visite de Mgr Bernardin en 1635, il est fait mention en l’église matrice de Saint-Sulpice, d’un reliquaire en laiton en forme de clocher avec trois enveloppes avec inscriptions : l’une portant Relique de Pierre apôtre, l’autre de vêtement de la vierge Marie, une autre de Nicolas. Avec Gérard Thomas, nous avons procédé à un minutieux inventaire des trois reliquaires actuellement conservés à Notre Dame d’Aynès. Manifestement les reliques en provenance des églises de Pomiès, de Saint-Sulpice, de Montarnal et de Notre Dame d’Aynès ont été mélangées et rassemblées au cours des siècles. Nous avons trouvé un grand nombre de petits morceaux de taffetas rouge, qui enveloppent de minuscules débris non identifiés ni identifiables. D’autres reliques enveloppées dans un tissu de taffetas rouge sont cachetés d’un seau de cire, que nous n’avons pas ouvert, mais il n’y a malheureusement aucune inscription. Nous avons trouvé par contre deux cartels écrits en latin qui attestent : « d’ossibus de l'apôtre Thomas, de la peau du bienheureux Barthélémy (…) Jean et Pierre, martyrs », sans qu’ils soient rattachés à une relique précise, ainsi que deux nœuds de cordelette qui pourraient provenir du vêtement de Saint Catherine. En ce qui concerne les reliques de la vierge, nous avons trouvé un écrit du curé de Notre Dame d’Aynès qui fait don en 1877 des poussières qu’il a ramenées de la maison de la vierge. Comme vous pouvez le constater toutes ces reliques conservent leur mystère. Mais n’est-ce pas leur rôle que de croire en leur mystère plutôt qu’en leur authenticité.
Au cours de ses visites, Jean Singlande, le prieur et prêtre, qui représentait Mgr Bernardin de Corneillan, a dénombré 120 communiants à Pomiès-St Sulpice, 200 à Notre Dame d’Aynès-Montarnal et 800 à Sénergues, soit 1120 paroissiens. Cela donne une précieuse indication du nombre global d’habitants, en sachant qu’à cette époque la quasi-totalité de la population pratiquait la religion catholique. La religion protestante, dite réformée, qui s’était étendue au sud-est du département au siècle précédent n’avait pas pénétré dans notre contrée.
Lors de la visite pastorale de juin 1670, le vicaire général trouve la chapelle de Pomiès dénuée de tout et qu’il y a contestation entre les habitants de Pomiès et le prieur de Saint-Sulpice pour raison de la réparation de l’église. Monseigneur Gabriel de Voyer de Polmy ordonne de faire réparer le couvert et blanchir l’église sous quinzaine. A défaut c’est le prieur qui est condamné aux dites réparations à ses frais.
En mai 1724, Philippe Mazières, vicaire général, ordonne, je cite : « que la nef soit recrépie, le couvert et les vitres réparées, le cimetière sera clos et réparé, le presbytère continué. Le vicaire forain du district de Conques certifiera sous 3 mois l’exécution des dits travaux par nous ordonnés ». Signé Mazières. C’est donc au 18ème siècle qu’apparait pour la 1ère fois la notion de cimetière à Pomiès.
Jean Laumière évêque et comte de Rodez, lors de sa visite pastorale du 21 septembre 1739, ordonne, je cite : « que le toit, le plancher seront réparés, les fenêtres vitrées, les murailles blanchies et la nef lambrissée ».
Visite de Jean-Louis Campredon, curé de Sénergues et vicaire forain, le 6 juillet 1743. Il constate qu’il n’a été fait aucune des réparations ordonnées en 1739, que la chapelle est en très mauvais état et qu’il n’y a pas eu de messes depuis deux ans. En conséquence, je cite : « Jean évêque et comte de Rodez, attendu qu’il n’a été fait aucune des réparations portées par l’ordonnance de visite du 22 septembre 1739, ordonne ladite chapelle interdite et nous défendons au curé d'y célébrer la sainte messe tant qu'il n'ait obtenu de nous une permission ». Signé Mgr Laumière.
Après la révolution, en 1793, les cloches, à l’exception d’une par église, sont enlevées pour être fondues à Montauban au profit des caisses de l’état. Celle de Pomiès n’a pas échappé. Il faudra attendre 1838, et l’impulsion d’Antoine Rigal pour qu’une nouvelle cloche soit fondue par l’entreprise Triadou. Elle porte l’inscription suivante « ANTOINE RIGAL PARRAIN CATHERINE DISSAC DE POMIES STI PETRI ORA PRO NOBIS ».
Le 2 mai 1840 Monseigneur Pierre Giraud, lors de sa visite épiscopale, juge que la chapelle de Pomiès est indécente, qu’il fallait la réparer. Il a expressément défendu d’y célébrer les saints mystères dans l’état où elle est et d’y transporter les ornements de la paroisse.
L’exploration de ces visites pastorales conservées aux archives départementales de l’Aveyron nous renseigne sur de nombreux points. Avant le 18ème siècle il n’y avait pas de cimetière, les sépultures avaient lieu à Saint-Sulpice. Toutes ces visites relatent le mauvais état quasi permanent du bâtiment et son manque d’entretien récurrent sur plusieurs siècles à une époque où Pomiès comptait entre 80 et 100 habitants. Il faut attendre 1868 pour que ses habitants travaillent à l’agrandissement et à l’embellissement de leur église, grâce au dévouement et à la générosité de Mr Antoine Rigal, avocat, maire de Sénergues de 1865 à 1876, mais aussi aux legs de Mrs Barbès et Puech, tous deux tombés lors de la guerre de 1870 contre les Prussiens.
La petite chapelle originelle a laissé place au bâtiment actuel. Elle s’est enrichie de trois autels en marbre et de trois tableaux. Une belle Nativité dans le chœur signé de G. Dauvergne et de D. Jouy non daté. Au-dessus de l’autel de droite, un Saint-Antoine ermite, daté de janvier 1846 signé de E. Charles de Nonjon. Au-dessus de l’autel de gauche un tableau de même dimension que le précédent représente un moine bénédictin, peut être Saint-Benoît de Nursie, patriarche des moines d’Occident (480-547) et rédacteur de la règle monastique, dite règle de Saint-Benoît. Il est signé aussi E. Charles de Nonjon, mais n’est pas daté ou tout du moins ce n’est pas lisible car la partie basse est très endommagée. Pierre Lançon de la Société des lettres et bibliothécaire à Conques et Mme Pascale Moulier bibliothécaire du diocèse de Saint-Flour, spécialiste de la peinture religieuse au 19ème siècle, pensent tous les deux qu’il s’agit de Saint-Benoît de Nursie. Mme Pascale Moulier précise que l'auteur pourrait être Mme Charles de Nonjon qui collectionnait les tableaux et faisait apparemment de la peinture elle-même car elle était l’élève du peintre Steuben. Cette famille Charles de Nonjon, originaire de l’Artois, s’est éteinte avec la comtesse Charles de Nonjon à la fin du 19ème siècle. De mon côté j’ai tenté mais en vain d’obtenir des informations sur les peintres de la Nativité, mais mes recherches n’ont pas abouties. Ces deux noms ne pas recensé dans aucune base de peintres amateurs. Comment ces tableaux sont arrivés à Pomiès cela reste encore mystérieux. L’examen des livres de paroisse pourrait peut-être révéler des éléments.
Au cours de son amicale visite du 17 juin dernier, Pierre Lançon a repéré le chemin de croix, qui lui parait relativement ancien et intéressant. En effet ces gravures proviennent de l’imprimeur-éditeur de lithographies et d’estampes, Louis Turgis jeune, établissement crée en 1856, éditeur de nombreuses et très belles estampes ainsi que de chemins de croix en France au 19ème siècle.
Le 5 mai 1868, l’abbé Costes, vicaire général, fait la bénédiction solennelle de l’église. Le 12 mai 1868 Monseigneur Delalle, évêque de Rodez, signe l’ordonnance qui autorise Mr le curé de Saint-Sulpice à exercer, les fonctions curiales, baptêmes, mariages, sépultures et célébrer les dimanches et fêtes la messe et les vêpres en l’église de Pomiès.
En contrepartie les habitants de Pomiès devront :
- Mettre un cheval à disposition de Mr le Curé pour faire le trajet de Saint-Sulpice à Pomiès et vice-versa.
- Se cotiser pour lui offrir une indemnité de 150 francs par an.
Le 26 mars 1884 Mgr Bourret a visité Saint Sulpice et Pomiès après avoir donné la confirmation à Notre Dame d’Aynès. Il a qualifié ces édifices sans caractère architectural et d’une grande pauvreté. L’état moral de la paroisse n’est pas mauvais avec deux abstentions au devoir pascal. Les vices dominants de la paroisse sont la paresse et l’ivrognerie. Il recommande à Mr le curé de faire le catéchisme avec beaucoup d’exactitude et d’inspirer à la population, l’amour du travail, afin d’augmenter le bien être de cette pauvre population. Il y a 100 personnes environ dans la paroisse.
A la même époque Mgr Bourret a relevé 369 habitants sur la paroisse de Notre Dame d’Aynès-Montarnal. Il y avait 52 filles à l’école tenue par deux religieuses de Rodez et 34 garçons avec un instituteur laïc. A Sénergues, il a estimé les paroissiens au nombre de 1000. Il y avait 75 filles à l’école privée dirigée par trois sœurs de Clairvaux et 70 garçons à l’école laïque. Il a qualifié les paroissiens de Sénergues indifférents à la pratique de la religion et portés sur le vice impur !!! Que dirait-il aujourd’hui ? Mais quelles que soient ses appréciations et commentaires ils nous permettent d’évaluer la population à environ 1500 habitants sur la commune avec plus de 230 élèves.
Dur, dur, les commentaires de cet évêque, certes bâtisseur, mais aussi un brin mégalo et peu connaisseur sur le plan architectural ancien c’est le moins que l’on puisse dire. Mais il constate lui aussi l’extrême pauvreté persistante des habitants de la paroisse. Cette pauvreté explique l’état des bâtiments leur manque d’entretien, malgré la grande dévotion des paroissiens pour leur lieu de culte. En effet, l’attachement à l’église à toujours été très fort dans notre monde rural. Elle servait de cadre à l’existence toute entière du baptême jusqu’aux obsèques. Elle était aussi, souvent, le seul lieu de rassemblement et de convivialité dominical pour des habitants dispersés dans les hameaux et lieux-dits de la campagne.
Depuis le 19ème siècle, le clergé, les habitants et les municipalités successives ont poursuivi l’entretien dans le respect de ce lieu. Le dernier en date a été la restauration totale de la toiture, en 2016, par la mairie avec la participation financière de l’état, et du département. Le relais paroissial quant à lui a procédé aux travaux de réfection intérieurs en 2017. Merci à Stéphane Layrac, trésorier du relais, qui a répondu favorablement aux doléances de Colette Maurel et ainsi participé à l’embellissement du bijou de Pomiès, malgré qu’on y dise rarement messe aujourd’hui, alors qu’elle est en parfait état. Mais ce qui compte c’est d’avoir sauvé ce patrimoine vernaculaire pour les générations futures. Il y a tant de témoignages de notre passé qui ont disparu, ou sont dans un état de délabrement proche de la ruine.
Voilà pour cette rapide présentation historique de ce petit joyau de la commune, amoureusement restauré.
Je voudrai remercier à ce stade mes amis Pierre Lançon, Gérard Revel, Monique et Henri Gras sans oublier mon complice Gérard Thomas, pour leur aide précieuse ou leurs travaux qui m’ont beaucoup aidé dans mes recherches pour vous présenter ce petit résumé historique.
Pour terminer je dirai que de tout temps chaque génération s’est légitimement inquiétée de la perte du savoir-faire ancestral. Or, il n’en est rien. Nous en avons la preuve encore, aujourd’hui, avec cette restauration conduite avec les matériaux d’autrefois posés comme autrefois et le résultat est remarquable. Le savoir-faire ne se perd pas. Il se transmet de générations en générations par l’âme de la main de l’homme. Il se trouve et se trouvera toujours un artisan, un entrepreneur, un maçon, un menuisier, capable de refaire tout ou partie de l’héritage de nos aïeux, pour à nouveau le laisser en héritage aux futures générations. Nous sommes capables aujourd’hui de bâtir des cathédrales. Nous avons les architectes, les tailleurs de pierre, les charpentiers, les sculpteurs et même les matériaux. Ce qui manque c’est le financement.
"Il ne faut jamais désespérer de l’avenir, mais toujours espérer en l’avenir"
Jean-Claude Richard, adjoint en charge de la culture et du tourisme, membre de la Société des arts et lettres de l'Aveyron